Meyerhold

(1874-1940)

 

Voici l’histoire d’un homme qui a osé défier les formes anciennes, briser les carcans du réalisme et ouvrir la scène à l’invisible, au rêve, à la révolte ! Vsevolod Meyerhold, maître du théâtre du XXe siècle, soulève les planches comme on soulève un peuple !

Là où Stanislavski plonge dans la psychologie et le réel, Meyerhold élève le théâtre vers un monde plus grand, plus vibrant, où les corps dansent avec l’espace, où les décors se transforment en machines vivantes, où chaque geste devient un cri de liberté. Constructivisme, symbolisme, révolution : il traverse toutes les avant-gardes, forgeant un art total, brûlant et audacieux !

Mais les temps sombres s’abattent sur lui. Accusé, traqué, exécuté en 1940, il disparaît des mémoires officielles. Pourtant, son feu ne s’éteint pas ! À partir des années 1970, il revient hanter les scènes du monde, redonnant à l’art théâtral ses ailes et sa force révolutionnaire !

Du réalisme au symbolisme

Vsevolod Meyerhold, né en 1874, aurait pu devenir juriste, mais le théâtre l’a arraché aux carcans du droit pour en faire un pionnier du renouveau scénique. Formé par Stanislavski au Théâtre d’Art de Moscou, il brille sur scène, mais rejette bientôt le naturalisme poussiéreux ! Il ne veut pas d’un théâtre qui copie la vie, mais d’un art qui la transfigure !

En 1902, il part en quête d’une scène libre : en province, il met en scène 160 pièces, puis rejoint Stanislavski pour tenter d’ouvrir une voie nouvelle. Mais leur collaboration explose : Meyerhold refuse la dictature du réalisme et plonge dans le symbolisme. Il sculpte la lumière, le décor, le mouvement des acteurs comme un peintre son tableau. Il convoque Memling, Goya, Maeterlinck, et fait du théâtre un espace de rêve et de métamorphose.

À Pétersbourg, il pousse encore plus loin la révolte : fini le naturalisme ! Il crée un théâtre de masques, de tréteaux, de rythmes et de lumières, où le spectateur devient le quatrième créateur ! Meyerhold ne joue pas pour refléter la réalité, mais pour la bousculer, la distordre, la révéler !

 

Chassé par Komissarjevskaïa, mais jamais vaincu, Meyerhold prend d’assaut les Théâtres impériaux (1908-1918). Là, il n’est plus seulement metteur en scène : il devient alchimiste du théâtre ! Avec Alexandre Golovine, son frère d’armes, il forge des spectacles où l’histoire de la scène se réinvente.

Son Dom Juan (1910) ? Un chef-d’œuvre où Molière croise la tradition italienne et le Kabuki japonais ! Son Tristan et Isolde (1909) ? Un coup de tonnerre ! Inspiré par Wagner et Appia, Meyerhold invente une mise en scène d’opéra moderne où la musique, le geste et la lumière fusionnent. Avec Orphée (1911), il touche au rêve d’une œuvre totale !

Mais le révolutionnaire ne s’arrête pas là ! Il jette son regard flamboyant sur les formes populaires : le cirque, le cabaret, le cinéma ! Il monte Schnitzler en pantomime, adapte Le Portrait de Dorian Gray (1915), et même conquiert Paris en 1913 en mettant en scène La Pisanella au Châtelet.

Ainsi avance Meyerhold, insatiable, insoumis ! Son théâtre n’est ni un musée, ni un temple : c’est un champ de bataille, un terrain d’expérimentation où l’art se renouvelle sans cesse !

 

Le grotesque

Alors que Stanislavski scrute les méandres de la mémoire affective, Meyerhold prend une tout autre route : il fouille la mémoire du théâtre lui-même ! Sous son pseudonyme digne d’un conte noir, le Docteur Dapertutto ouvre son Studio (1913-1917), forge un acteur total – acrobate, musicien, jongleur – et exhume l’esprit effervescent de la commedia dell’arte.

Dans sa revue L’Amour des trois oranges, il acclame le grotesque : un théâtre de choc et de contrastes ! Rien de linéaire, rien de réaliste ! Tout est fragmentation, étrangeté, dissonance ! L’acteur, loin du naturalisme poussiéreux, bâtit son corps comme une sculpture vivante, guidé par la musique et la peinture.

« L’art du théâtre retrouve l’art de la forme qu’il avait perdu ! » proclame Meyerhold. Car le théâtre, camarades, ne doit pas copier la vie ! Il doit la transfigurer, la réinventer, la faire exploser sous nos yeux !

 

L'octobre théâtral

L’art s’endormait dans les dorures des Théâtres impériaux ? Meyerhold brise les lustres et ouvre grand les portes aux ouvriers ! Finies les illusions psychologiques, le théâtre devient un meeting, une usine, un champ de bataille !

  • 1918 : Mystère Bouffe de Maïakovski ! Un théâtre d’avant-garde pour un monde nouveau !
  • 1920 : Les Aubes ! Le théâtre doit être une arme, il doit parler au peuple et le mobiliser !
  • 1922 : Le Cocu magnifique ! Exit les vieux décors ! L’acteur évolue sur une machine, un établi, un espace brut !

La biomécanique naît ! L’acteur ne joue plus, il démontre ! Il est ouvrier du théâtre, soldat du plateau, tout mouvement est intention-action-réaction ! À bas le naturalisme bourgeois ! Place aux rythmes, aux gestes précis, à la pure énergie scénique ! Le théâtre devient un film vivant, un montage explosif !

 

Vers un « réalisme musical »

1926 : Le Revizor. Une partition scénique explosive, un réalisme musical qui fait vibrer chaque geste, chaque mot. L’acteur devient un instrument, le théâtre une symphonie.
La musique n’accompagne plus, elle construit le spectacle. Gnessine, Chostakovitch, Prokofiev : la scène s’embrase sous leurs notes.
1929-1930 : La Punaise et La Grande Lessive. Le texte demeure, mais le plateau le réinvente. Meyerhold devient l’auteur du spectacle, l’architecte du plateau.

Mais le vent tourne.
1936 : On l’accuse de formalisme.
1938 : Son théâtre est fermé.
1939 : Il est arrêté, torturé.
1940 : Fusillé comme espion et trotskiste.

Et pourtant, camarades, Meyerhold ne meurt pas. Il est l’Artiste absolu, l’inventeur insatiable, le révolutionnaire scénique. Il ne reflétait pas la vie, il la transformait. Son théâtre était un laboratoire, une forge, un orage.