Aristophane

(445-385 av. J.-C.)

"La comédie est la vérité, mais la vérité masquée sous le masque du rire."

Aristophane 

Aristophane est considéré comme le plus grand poète comique de la Grèce antique.

Ses comédies, qui mêlent humour exagéré et jeux de mots, peuvent sembler destinées à divertir les foules avec des blagues et des situations exagérées.

Pourtant, derrière cette apparente légèreté, il aborde de manière sérieuse et réfléchie les problèmes de son époque. Ses pièces montrent qu'il était un citoyen engagé, préoccupé par la politique et les idées qui circulaient à son époque.ut. Lui s’interroge sur tout, s’inquiète, se méfie.

Aristophane, mort vers 380 av. J.-C., est l'auteur de 44 pièces, dont seulement 11 sont parvenues jusqu’à nous. Peu d'informations sont connues sur sa vie, mais une inscription atteste qu'il était citoyen d'Athènes, réfutant l’idée qu’il aurait été un étranger. Ses œuvres reflètent le contexte de la guerre du Péloponnèse, marquée par des conflits prolongés, des crises économiques et politiques, et des bouleversements sociaux.

"Aristophane n'était pas seulement un comédien de son temps, il était un dénonciateur de l'injustice, un critique des puissants, et un défenseur de la liberté d'expression à travers la satire."

Opposé à la guerre, Aristophane critique les démagogues, qu'il juge responsables de la décadence politique, ainsi que les intellectuels, comme Socrate et Euripide, qu’il accuse de corrompre la jeunesse. Conservateur, il défend les valeurs des paysans attachés à une vie simple et méfiants envers les nouvelles idées. Sa poésie mêle humour et gravité pour s’adresser à ces Athéniens traditionnels.

Les Cavaliers
Aristophane critique violemment Cléon, chef démagogue d'Athènes, dans cette comédie de 424 av. J.-C., où il est représenté comme un esclave arrogant (le Paphlagonien) au service de Démos, allégorie du peuple athénien. Le Paphlagonien abuse de la confiance de Démos et est remplacé par un charcutier, figure encore plus burlesque mais symbolisant un changement salvateur. La pièce accuse Cléon d’être le principal obstacle à la paix et se termine par une satire jubilatoire où Démos retrouve sa jeunesse et accueille la Trêve, personnification de la paix.

Les Guêpes
En 422 av. J.-C., Aristophane s’attaque à nouveau à Cléon en dénonçant les abus des tribunaux populaires. Le personnage Philocléon (« ami de Cléon ») est obsédé par son rôle de juge, tandis que son fils Bdélycléon (« ennemi de Cléon ») tente de le ramener à la raison. La pièce tourne en ridicule le pouvoir illusoire des juges manipulés par les démagogues, à travers des scènes comiques et une parodie de procès mettant en scène un chien accusé de vol.

Ces comédies mêlent satire politique et humour burlesque pour dénoncer les dérives de la démocratie athénienne et les obstacles à la paix.

Les Guêpes : critique et satire sociale
Dans la seconde partie des Guêpes, Philocléon se livre à des excès : il s’enivre, enlève une joueuse de flûte et danse grotesquement, ridiculisant les mœurs décadentes de l’Athènes contemporaine. Ces scènes, mêlant satire sociale et critique des arts modernes, dénoncent la corruption morale qui accompagne les dérives politiques et artistiques. Aristophane lie ainsi la dépravation des mœurs à la montée du démagogisme et aux innovations artistiques qu’il juge néfastes.

Les Nuées : satire des sophistes
Dans Les Nuées (423 av. J.-C.), Aristophane tourne en dérision Socrate, présenté comme un sophiste enseignant à contourner la morale. Strepsiade, un campagnard ruiné, espère apprendre à se soustraire à ses dettes. L’instruction, confiée à son fils, se retourne contre lui : ce dernier justifie même la violence envers son père. Strepsiade, outré, incendie l’école. Cette pièce, malgré sa profondeur, échoue à séduire un public habitué à des comédies plus légères. Elle critique les sophistes, perçus comme responsables de la décadence, et cible injustement Socrate, victime de caricatures.

Les Thesmophories : parodie d’Euripide
Dans Les Thesmophories (411 av. J.-C.), les femmes, lors d’une fête sacrée, conspirent contre Euripide pour ses calomnies à leur égard. Un parent du poète, déguisé en femme, tente de le défendre mais est démasqué, donnant lieu à des scènes comiques et parodiques inspirées des tragédies d’Euripide. Cette comédie repose sur la traditionnelle opposition entre les sexes.

Les Grenouilles : débat littéraire et politique
Dans Les Grenouilles (405 av. J.-C.), Dionysos descend aux Enfers pour ramener un grand poète. Un débat s’instaure entre Eschyle et Euripide sur leurs mérites respectifs. Eschyle l’emporte grâce à son influence positive sur la morale et la politique, tandis qu’Euripide est accusé de corrompre les âmes par son goût des innovations. La pièce, ancrée dans le contexte d’une Athènes déclinante, pose une question cruciale : faut-il rappeler Alcibiade d’exil pour sauver la cité ? La réponse affirmative d’Eschyle souligne le lien entre poésie et responsabilité civique.

Ces pièces témoignent de la critique d’Aristophane envers la décadence morale, politique et artistique de son époque.

"Aristophane, à travers ses comédies, a lutté pour la paix en dénonçant la guerre et en exposant la folie de ceux qui l'entretenaient, tout en appelant à un retour à la raison et à l'harmonie dans une société dévastée."

Aristophane célèbre l'amour de la paix dans plusieurs de ses comédies, comme Les Acharniens (425), La Paix (421) et Lysistrata (411). Ces pièces dénoncent les causes absurdes des guerres, critiquent les profiteurs (fabricants d'armes, généraux) et louent les bienfaits de la paix : vie paisible à la campagne, festivités et plaisirs de l'amour.

Les Acharniens

Dans un contexte de guerre prolongée, Dicéopolis, un Athénien, conclut une trêve personnelle avec l'ennemi malgré l'opposition de ses concitoyens. À travers des scènes comiques, il profite des avantages de la paix tandis que ses voisins souffrent de la guerre.

La Paix

Le vigneron Trygée s'envole sur un scarabée géant pour convaincre les dieux d'arrêter la guerre. Avec l’aide de paysans grecs unis, il libère la Paix, symbolisant l’espoir d’une réconciliation fraternelle. La pièce mêle satire et célébration festive, s’achevant par des hymens joyeux.

Lysistrata

Dans une Athènes en crise, Lysistrata rassemble les femmes grecques pour forcer la paix en refusant tout contact intime avec leurs maris et en prenant le contrôle du trésor public. Face à cette pression, les hommes cèdent, et la paix est conclue.

Ces comédies, à la fois drôles et engagées, dénoncent l’absurdité de la guerre et prônent l’union pour préserver la Grèce.

"Aristophane, par sa satire audacieuse et son esprit subversif, imagina des utopies politiques et sociales où les structures de pouvoir injustes étaient renversées, offrant à son public une vision d'un monde plus juste, où la liberté et l'égalité prenaient le pas sur la corruption et la guerre."

Les Oiseaux (414 av. J.-C.), comédie d'Aristophane, se distingue par sa fantaisie et son éloignement des enjeux politiques. En pleine guerre du Péloponnèse et dans un contexte marqué par la délation et l'échec de l'expédition de Sicile, Aristophane opte pour une œuvre d'évasion. Deux citoyens, Pisthétairos et Evelpidès, quittent Athènes pour proposer aux oiseaux de construire une cité aérienne, Nephélococcygie (« Coucouville-les-Nuées »), destinée à couper les relations entre les hommes et les dieux. Les dieux, privés des sacrifices, cèdent à Pisthétairos la souveraineté et Royauté, parèdre de Zeus.

Dans cette pièce, Aristophane brille par son imagination et sa poésie, évoquant un monde féerique tout en se moquant librement des dieux, sans irrévérence, dans le cadre des fêtes religieuses.

Après la guerre du Péloponnèse (404 av. J.-C.), suivie de la tyrannie des Trente et des luttes pour la libération, Athènes connaît un désintérêt politique. Aristophane, délaissant les intrigues politiques, explore des thèmes sociaux dans ses deux dernières comédies conservées.

L'Assemblée des femmes (392 av. J.-C.)
Les femmes, déguisées en hommes, prennent le pouvoir et instaurent une utopie communiste : communauté des biens et des femmes, avec priorité pour les moins désirables. Cette satire, mêlant critique et fantaisie, s'inspire de théories philosophiques que Platon reprendra dans La République.

Ploutos (388 av. J.-C.)
Dans cette fable, le dieu de la richesse recouvre la vue et accorde ses faveurs aux justes. La Pauvreté, cependant, défend son rôle essentiel dans l’effort humain et la civilisation. L'amélioration des conditions terrestres rend les dieux inutiles, et les sacrifices cessent. Une scène marquante relate la guérison miraculeuse de Ploutos dans le sanctuaire d’Asclépios.

Héritage et portée universelle
Les comédies politiques d’Aristophane, marquées par leur naturalisme et parfois leur obscénité, furent longtemps délaissées, éclipsées par la sagesse de Ménandre. Cependant, son inventivité verbale et sa verve comique retrouvent une audience contemporaine, prouvant que son génie transcende les particularités de son époque pour toucher à l'universel. La Paix et Les Oiseaux ont ainsi connu un large succès dans des périodes de troubles, témoignant de leur résonance intemporelle.


Des extraits de ses oeuvres

"Les Nuées"

Strepsiade : "Je veux que mon fils apprenne à parler, à tout expliquer et à faire des raisonnements tordus. Il faut qu’il devienne un homme qui ne perde jamais un procès."

"Les Grenouilles"

Dionysos : "Je descendais aux Enfers, quand je rencontrai un drôle de personnage… Il m’a dit que, pour sauver la Grèce, il fallait un poème, mais pas n’importe quel poème ! Il fallait le poème qui fasse pleurer et rire en même temps."

"L'assemblée des femmes"

Prôtarchos : "Les hommes ne savent pas gouverner, ils ne savent que dépenser et se battre. Ce sont nous, les femmes, qui allons sauver la cité, en apportant sagesse et calme."


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