Joël Pommerat
Le théâtre de Joël Pommerat, c’est une parole qui tâtonne, qui hésite, qui cogne et se brise, avant de renaître dans l’obscurité des silences. Un théâtre qui sent la poussière des existences cabossées, qui scrute les âmes sans jamais les juger, où le réel vacille sous la poésie des non-dits.
Il parle des hommes, de leur solitude collée à la peau, du monde qui gronde en eux. L’intime et le politique se confondent, parce que l’existence ne se vit jamais en marge de l’Histoire. Et même s’il refuse l’étiquette, son théâtre est un cri, un regard aigu sur la société. De la marge à la lumière, il a tracé sa route, écrivant et mettant en scène une vingtaine de pièces. Les contes qu’il réinvente – Pinocchio, Cendrillon, Le Petit Chaperon rouge – sont des miroirs brisés, où l’on se reconnaît autrement. Il a reçu des prix, mais ce qui compte, c’est ce qu’il imprime en nous : une émotion brute, un trouble persistant.

Joël Pommerat n’a pas suivi les routes tracées. Il a quitté l’école, changé de voie, dérivé avant de revenir à son premier amour : le théâtre. Mais pas celui des grands décors et des rôles fixes. Un théâtre où l’on cherche, où l’on doute, où l’on recommence.
Il a voulu être acteur, mais la dépendance aux autres l’a lassé. Alors il écrit. Il met en scène. Il invente. De salles louées en petits théâtres, il façonne un univers à lui, intime et brut. Il explore la solitude, l’amour, la violence des rapports humains. Il regarde le monde en face, sans filtre, et le traduit sur scène, entre ombre et lumière.
Chaque pièce est un morceau d’un tout. Une fresque de vies, une comédie humaine, où l’on croise des enfants perdus, des adultes en quête d’eux-mêmes, des figures du pouvoir et des oubliés de l’Histoire. Il détourne les contes, fouille la mémoire collective, éclaire l’invisible. Pommerat fait du théâtre comme on capte un souffle : fragile, dense, essentiel.
Joël Pommerat écrit comme on sculpte l’air. Il ne se contente pas des mots, il les fait résonner dans les silences, il les plie à la lumière, au souffle des acteurs, aux ombres mouvantes de la scène. Son texte est vivant, changeant, toujours en équilibre sur le fil du moment. Il n’est jamais figé, car il appartient autant à ceux qui le jouent qu’à ceux qui le regardent.
Son théâtre est une matière sonore et visuelle, où chaque regard, chaque mouvement, chaque seconde compte. Il cherche cette bascule, cet instant précis où tout bascule, où une lumière qui s’éteint révèle l’angoisse du monde, où un murmure pèse plus lourd qu’un cri. Il écrit l’indicible : la violence sourde, les blessures invisibles, ces gouffres cachés dans les êtres.
On dit qu’il voit le monde en noir. Lui répond que le monde est ainsi, que son théâtre ne fait que le montrer, avec cette nécessité brutale et poétique de dire l’inavouable, d’exposer ce que l’on détourne les yeux pour ne pas voir. Parce que seul le théâtre, dit-il, permet de vivre l’invivable. Parce qu’il est l’endroit où l’on regarde enfin, ensemble.


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