Le jeu masqué

 

Le masque occupe une place essentielle dans l'apprentissage du jeu de l'acteur, bien plus que dans les spectacles où son usage demeure limité. Il est un outil pédagogique privilégié dans les ateliers et stages de formation. Parmi les masques les plus utilisés, on retrouve ceux de la commedia dell’arte et les masques en bois du Topeng balinais. Ariane Mnouchkine, au Théâtre du Soleil, a fondé son enseignement sur ces traditions, affirmant que le masque "fait tout le travail" en révélant les tempéraments et en stimulant l'imagination des acteurs.

L'importance du masque dans la formation de l'acteur

Le masque impose une discipline rigoureuse : il force l’acteur à s'effacer pour laisser place à un être autre. L’acteur doit apprendre à "se dépouiller", à accueillir l’"étranger" en lui et à atteindre un état de jeu qui transcende son individualité. L’apprentissage passe par une disposition à recevoir le masque, considéré comme porteur d’une "âme complète".

Le travail collectif est également essentiel : le masque ne "possède" pas un acteur, mais appartient à l’ensemble du groupe. L’alternance entre jeu et observation permet de mieux comprendre les nuances du masque et ses exigences scéniques. Il force à une expressivité physique précise, car chaque geste est amplifié et interprété sous son prisme.

Le jeu masqué comme discipline corporelle

Le masque impose une transposition de l'expression corporelle : les émotions doivent être traduites en gestes lisibles et stylisés. Mnouchkine insiste sur la nécessité d’une "écriture" corporelle précise, articulée et rythmée. Chaque mouvement doit être maîtrisé et signifiant, et le jeu doit être "sculpté" avec rigueur.

L’enseignement du jeu masqué repose sur la rigueur et la répétition : chaque détail du mouvement est affiné à travers de nombreuses reprises, jusqu'à atteindre une justesse expressive. Cet apprentissage permet à l’acteur de développer son imaginaire et sa capacité à traduire l’intériorité par la forme corporelle.

Masque et texte : une cohabitation complexe

L’improvisation est le mode d’expression le plus adapté au masque, car ce dernier exige une instantanéité du jeu. Contrairement au maquillage, il ne tolère pas l’hésitation. L’intégration du texte pose une difficulté supplémentaire : si le masque n’est pas en parfaite osmose avec le texte, il en altère la lecture et impose ses propres codes de jeu. Ainsi, certains textes classiques (comme ceux de Molière ou Marivaux) se prêtent bien à l’usage du masque, alors que des œuvres à écriture plus psychologique (Tchekhov, par exemple) peuvent perdre leur subtilité sous l’effet du masque.

Le masque possède son propre langage et sa propre dramaturgie. Il n’est pas simplement un accessoire, mais une véritable partition scénique qui structure le jeu de l’acteur. En retour, un texte bien construit fonctionne lui-même comme un masque en dissimulant ou révélant des intentions profondes.

 

Explorer de nouveaux horizons masqués

Pour enrichir l’expérience du jeu masqué, il est intéressant d’explorer des traditions masquées extra-occidentales et d’expérimenter avec des masques de différentes natures : masques intégrals, demi-masques, masques articulés, etc. Collaborer avec des artisans créateurs de masques permet d'adapter les supports scéniques aux besoins spécifiques des pièces jouées.

En somme, le masque est un formidable levier d’apprentissage pour l’acteur. Il développe sa présence, son engagement corporel et sa capacité à transposer l’intériorité en une écriture physique précise. Il est une discipline exigeante, mais qui ouvre des perspectives de jeu infinies.

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