Le jeu Stanislavskien

(Méthode des Actions Physiques)

 

L’Art de Stanislavski : Une Quête en Mouvement !

Mes chers acteurs, ne croyez pas aux méthodes figées ! Un système qui ne respire plus est un cadavre. Et le théâtre n’a que faire des cadavres !

Stanislavski l’a compris : il n’y a pas de recette, pas de dogme, seulement une quête, une recherche incessante vers la vérité du jeu.

Au commencement, en 1897, le théâtre en Russie était en ruines : des clichés, des poses, du théâtre sans âme ! Il fallait une révolution, et elle est venue avec la naissance du Théâtre d’Art de Moscou.

 

Première étape : Chercher l’authenticité !
Stanislavski et ses compagnons brisent les vieilles conventions. On parle d’émotion intérieure, d’affective memory, d’introspection. Mais voilà : cette voie devient une impasse. Trop de mémoire, pas assez de vivant !

 

Deuxième étape : Passer à l’action !
Stanislavski observe : les émotions sont capricieuses, insaisissables ! Comment les invoquer sans se perdre ? Par le geste, l’action concrète. C’est là que naît son "Méthode des Actions Physiques", une révolution qui fait grincer des dents, même chez ses propres élèves.

L’émotion suit l’action, pas l’inverse !
L’acteur doit penser avec son corps, sentir avec son mouvement !
Le théâtre n’est pas un monologue intérieur, c’est une pulsation, une danse entre l’acteur et le public !

Stanislavski n’a jamais cessé d’évoluer. Il refusait d’être enfermé dans ses propres théories. S’il était vivant aujourd’hui, il continuerait d’explorer, d’expérimenter, de douter !

Stanislavski et la Révolution du Geste – L’Action avant l’Émotion !

Mes frères de scène, mes sœurs de plateau, comprenez ceci : le théâtre est vivant ! Il respire, il évolue, et ce qui hier semblait vérité peut devenir une impasse aujourd’hui. Moi-même, je l’ai appris à mes dépens.

J’ai cru, jadis, que la mémoire affective était la clé, que l’acteur devait puiser en lui les souvenirs de ses propres tourments pour donner chair à son rôle. Mais que se passe-t-il quand la mémoire fait défaut ? Quand l’émotion se refuse ? Devons-nous rester figés, prisonniers du silence intérieur ? Non ! Car le théâtre ne peut attendre que l’âme se réchauffe, il exige une flamme immédiate, une présence totale !

C’est ainsi que j’ai compris une vérité simple et pourtant révolutionnaire : l’émotion naît du geste ! L’acteur ne doit pas attendre de ressentir pour jouer, il doit agir pour ressentir. Regardez les hommes dans la vie : ce n’est pas la tristesse qui fait pleurer, c’est la larme qui révèle la tristesse ! Ce n’est pas la colère qui fait frapper du poing, c’est le poing frappé qui nourrit la colère ! Le corps et l’esprit sont unis, inséparables, et c’est par l’action que nous atteignons la vérité.

C’est ainsi qu’est née ma Méthode des Actions Physiques, un tournant majeur dans l’art de l’acteur. Mais l’innovation fait peur. Au Théâtre d’Art de Moscou, on a résisté. Aux États-Unis, on a rejeté cette idée. Certains s’accrochaient encore à la mémoire affective, refusant d’admettre que l’émotion pouvait être convoquée autrement que par le passé personnel. Mais le théâtre n’est pas un musée ! Il ne s’agit pas de répéter les mêmes formules, mais de chercher, toujours, un art plus pur, plus puissant.

Et je vous le dis : ne figez jamais mes idées en dogmes ! Le Système n’est pas une religion, il est un outil, une boussole pour vous guider sur la scène. Chaque acteur doit le questionner, l’éprouver, l’adapter. Car le théâtre n’appartient pas aux morts, il est entre vos mains, ici et maintenant ! Alors, agissez ! C’est par le mouvement que naît la vie, et c’est par l’action que naît le théâtre !

 

La Méthode des Actions Physiques – L’Art de l’Acteur Révélé !

Mes camarades, mes artistes, écoutez-moi bien ! L’acteur n’est pas un rêveur statique perdu dans son propre monde, il est un artisan du vivant ! Trop longtemps, on a attendu de l’acteur qu’il ressente avant d’agir. Trop longtemps, on a cru que l’émotion surgissait du néant, comme un caprice du cœur. Mais le théâtre ne peut dépendre du hasard !

Alors, j’ai cherché… J’ai observé… J’ai compris. L’émotion est un fauve insaisissable, elle ne vient pas quand on l’appelle. Mais elle peut être piégée, réveillée, révélée ! Comment ? Par l’action !

J’ai donc tracé un chemin, une carte secrète pour l’acteur : la Méthode des Actions Physiques ! Une séquence de gestes, une structure consciente, qui mène droit à l’inconscient. Le corps, engagé dans un enchaînement précis, finit par libérer les émotions enfouies. Une main qui se crispe, un pas qui hésite, un regard qui se détourne… et soudain, la peur, l’amour, la rage surgissent, vrais, sincères, imparables !

Ne croyez pas que l’émotion obéisse aux caprices du moment ! Elle est un fleuve souterrain que seuls les actes justes peuvent ramener à la surface. Avec cette méthode, plus jamais un acteur ne sera à la merci du vide, du « je ne ressens rien ». Désormais, il aura un outil, une science du jeu, un art structuré pour toucher le mystère du théâtre.

 

1. Unités et Objectifs – L’Architecture Secrète du Jeu !

Mes frères du théâtre, mes sœurs de la scène ! L’acteur n’est pas un papillon errant dans la lumière, il est un bâtisseur de destin ! Une pièce de théâtre n’est pas un chaos d’émotions et de gestes hasardeux – non ! Elle est une mosaïque précise, un échafaudage d’actions où chaque pierre a sa place.

Mais comment l’acteur peut-il avancer dans cette jungle du texte ? Comment peut-il donner à son jeu une colonne vertébrale, une intention, une nécessité ?

Voici la réponse : les unités et les objectifs !

Chaque scène est une route, et cette route est pavée d’unités. Chaque unité est un battement du drame, un fragment d’action avec un objectif clair, précis, vivant ! Ce n’est pas un vague désir, ce n’est pas une pensée abstraite – c’est une volonté en mouvement !

L’acteur ne veut pas simplement ressentir, il veut agir. Il séduit, il provoque, il détruit, il réconforte… et toujours en direction d’un autre ! Un objectif qui ne se projette pas vers un partenaire est un mensonge, une prison pour l’acteur ! Jouer, c’est influencer l’autre, c’est changer le monde sur scène !

Regardez votre rôle ! Analysez votre texte ! Coupez-le en unités ! Et pour chaque unité, trouvez l’objectif ardent qui vous poussera en avant ! Un théâtre sans direction est un théâtre mort. Mais un acteur avec un objectif est une force irrésistible !

 

2. La Grande Route du Jeu – La Ligne d’Actions et le Superobjectif !

Mes camarades du théâtre, mes soldats de la scène ! L’acteur n’est pas une marionnette qui saute d’émotion en émotion, non ! Il est un guerrier avec une quête, un voyageur suivant une route, un homme ou une femme mus par une force irrépressible !

Dans le chaos apparent d’une pièce, où chaque scène semble autonome, il y a une logique cachée, une colonne invisible, un chemin de feu qui traverse toute l’œuvre : c’est la ligne d’actions !

Chaque personnage est mû par un superobjectif – son désir ultime, sa soif profonde, la force qui le pousse à agir du premier au dernier instant. Et pour atteindre ce superobjectif, il tisse une chaîne d’objectifs successifs : "je la charme, je la provoque, je la supplie, je l’abandonne, je la reconquiers"… Autant de pas vers le sommet de la montagne !

Voyez votre rôle comme un corps : le superobjectif en est la colonne vertébrale, et chaque action est une vertèbre qui le soutient ! Si vous ne trouvez pas cette cohérence, votre personnage sera une marionnette désarticulée, un être sans destin, un pantin ballotté par les événements !

Mais si vous suivez votre superobjectif, si vous ancrez chaque action dans cette grande trajectoire, alors vous serez un torrent, une flèche, une force implacable qui traverse la scène et emporte le spectateur avec vous !

 

3. L’Analyse par l’Action – Le Feu du Jeu !

Mes camarades du théâtre ! L’acteur n’est pas un penseur figé devant son texte, il n’est pas un érudit qui dissèque chaque mot comme un scientifique ! Non ! L’acteur est un corps en mouvement, une flamme vivante, un être en quête d’un but !

Lorsque nous nous attaquons à un texte, nous ne devons pas nous perdre dans des labyrinthes d’intellect. Nous devons plonger immédiatement dans l’action !

Trois questions essentielles guident notre travail :
Que fais-je ? – Quelle est mon action précise dans l’instant ? Suis-je en train de séduire, d’attaquer, de supplier, de me défendre ?
Pourquoi le fais-je ? – Quelle est ma motivation profonde, mon besoin vital, ma raison d’être sur cette scène ?
Comment le fais-je ? – Avec quelle intensité, quelle force, quelle intention corporelle et psychologique ?

Autrefois, Stanislavski passait des mois à analyser les textes autour d’une table, à séparer chaque phrase, à les disséquer minutieusement. Mais que se passait-il ? L’acteur se retrouvait piégé dans sa tête, coupé de son corps, privé de l’instinct du jeu !

Alors il a tout changé ! Il a jeté les acteurs dans l’action immédiatement ! Il a fait naître la pensée par le mouvement, l’émotion par le geste, la compréhension par l’expérience physique. Car c’est dans le feu du jeu, dans la tension des corps, dans la lutte des volontés que naît la vérité du théâtre !

 

4. La Vérité du Théâtre – Le Pouvoir du "Si Magique" !

Mes amis, mes camarades, le théâtre n'est pas la vie ! Sur scène, nous ne sommes pas des fous errant dans une illusion, nous ne sommes pas des êtres perdus dans un délire schizophrénique ! Non ! Nous sommes des artistes, des créateurs, des architectes de l'imaginaire !

Stanislavski nous le dit : la vérité scénique est une autre vérité, une vérité qui naît non de la réalité brute, mais de l'art, du jeu, de la transformation. Un acteur qui croit réellement être Hamlet est un homme à enfermer, mais un acteur qui fait croire qu’il est Hamlet est un génie !

Comment atteindre cette vérité sans tomber dans l’imposture ? Par le Si Magique !

Si j’étais Macbeth, qu’aurais-je fait ?
Si j’étais Othello, jusqu’où irait ma jalousie ?
Si j’étais Médée, comment mon cœur battrait-il ?

Le "Si" ouvre une porte vers l’infini, il libère l’imagination, il nous pousse à explorer, à ressentir, à incarner sans nous perdre. Il ne s'agit pas de croire à la lettre aux événements de la pièce, mais de les construire avec une conviction absolue, de les rendre vrais pour le spectateur.

C'est ainsi que naît la vérité scénique ! Une vérité qui n'est pas documentaire, mais vibrante, sculptée par l’émotion, l’engagement, et l’intelligence du jeu.

 

5. L'imagination : l'âme du jeu !

Écoutez-moi bien. Un acteur sans imagination, c’est un peintre sans couleurs, un musicien sans notes. La technique seule ne suffit pas. Elle est une grammaire, une structure, mais une structure sans vie ne produit que des carcasses de jeu, vides, sans âme.

L’imagination est notre flamme.

Stanislavski le savait : le théâtre n’est pas la vie, il est une transfiguration de la vie. Il ne s'agit pas de copier la réalité comme un vulgaire miroir. Le théâtre est une vérité recréée, sublimée, portée par l'imaginaire.

L’acteur ne reproduit pas, il invente.
Il ne subit pas, il façonne.
Chaque rôle est un univers à bâtir, une fresque à colorer avec son esprit, son corps, son feu intérieur.

Un acteur doté d’une imagination féconde voit au-delà des mots, il insuffle du mystère dans chaque silence, il peuple l’espace scénique de mille détails invisibles, mais vibrants.

Stanislavski l’a dit :
"Il n’y a pas de réalité sur scène. L’art est un produit de l’imagination."

 

6. Le sous-texte : le silence qui parle 

Que voyez-vous quand vous regardez un acteur ? Ses mots ? Ses gestes ? Non. Vous percevez ce qui palpite sous la surface, ce qui n’est pas dit mais qui résonne pourtant avec force. C’est cela, le sous-texte.

Stanislavski l’a martelé : "Les spectateurs viennent au théâtre pour entendre le sous-texte. Le texte, ils peuvent le lire chez eux."

Un acteur qui ne comprend pas cela est un pantin, une coquille vide. Le sous-texte est l’âme du jeu. Il ne se dit pas, il se ressent. C’est l’intention cachée, la pensée secrète qui transparaît dans un regard, une infime tension du corps, un souffle suspendu.

Regardez Tchekhov. Ses silences sont plus éloquents que mille tirades. Chaque pause, chaque soupir, chaque geste trahit une tempête intérieure. Sans sous-texte, une scène est plate, sans profondeur, sans écho. Avec lui, elle devient un champ magnétique où le spectateur est happé, complice d’un secret que les personnages eux-mêmes n’avouent pas.

Prenez cette situation :
Jane croise Tom, qu’elle déteste. Mais les convenances l’obligent à lui sourire. Son corps, lui, trahit son malaise : un léger recul, une crispation des doigts, un regard fuyant. Ce que dit Jane importe peu, ce qui compte, c’est ce que son corps murmure à l’insu des mots.

Le sous-texte n’est pas une option, c’est une nécessité. Il est l’épaisseur, la chair du jeu. Sans lui, le théâtre est une coquille vide. Avec lui, il devient vivant.

 

7. La motivation : le feu caché du jeu !

Qu'est-ce qui pousse un acteur à agir sur scène ? Stanislavski parlait de la motivation comme d’un moteur invisible, enraciné dans l’inconscient, une force intérieure déclenchée soit par l’émotion, soit par l’intellect.

Dans son système, la motivation—ou « volonté »—était inséparable de deux autres éléments : la pensée et le ressenti. Un acteur pouvait être poussé à agir par un élan émotionnel ou une réflexion consciente, mais c’était toujours la motivation qui transformait cette impulsion en action physique.

Richard Hornby fait une distinction essentielle entre motivation et objectif :

  • L’objectif regarde vers l’avenir, vers l’action à accomplir.
  • La motivation plonge dans le passé du personnage, dans sa psychologie profonde.

Dans le théâtre psychologique, la motivation est primordiale. Elle donne du relief aux personnages, leur confère une histoire et des raisons d’agir. Mais cela n’a pas toujours été le cas :

  • Chez Shakespeare, les personnages n’ont pas d’existence en dehors du texte. Ils surgissent avec la pièce, sans passé, sans psychologie préalable.
  • Dans le théâtre de l’absurde (Beckett, Ionesco), les personnages n’ont pas de motivations, seulement des objectifs abstraits.

La motivation est donc un produit du réalisme psychologique, une nécessité pour un jeu sincère et ancré dans la complexité humaine. Elle donne aux personnages leur poids, leur ancrage, leur profondeur.

 

8. La concentration : l'acteur face au regard du public 

Stanislavski était préoccupé par la tendance des acteurs à être distraits par la présence du public. Cependant, il ne leur demandait pas d’ignorer l’audience, car celle-ci faisait partie intégrante de la représentation. Son objectif était plutôt d’aider les acteurs à focaliser leur attention sur un élément scénique pour éviter que la présence du public ne devienne paralysante.

Il remarqua que sous le regard des spectateurs, même les gestes les plus naturels devenaient mécaniques. Sur scène, les acteurs perdaient leur spontanéité et devaient réapprendre à marcher, à écouter, à voir et à ressentir. Pour les aider, il développa la technique des cercles de concentration :

  • Le plus petit cercle, appelé « solitude en public », permettait à l’acteur de se sentir en sécurité malgré la foule.
  • En élargissant progressivement ces cercles, l’acteur apprenait à focaliser son attention sur des zones plus vastes tout en excluant mentalement le reste.

Stanislavski distinguait plusieurs types d’attention :

  • L’attention extérieure, dirigée vers les objets physiques sur scène.
  • L’attention intérieure, tournée vers l’imaginaire du personnage, intégrant les cinq sens de l’acteur.

Il différenciait également l’attention intellectuelle (observer un objet rationnellement) de l’attention émotionnelle (lui associer une histoire pour en faire une source d’inspiration créative). Grâce à ces outils, l’acteur pouvait transformer sa concentration en un véritable moteur de jeu.

 

9. La relaxation : un équilibre entre tension set détente

Pour Stanislavski, la relaxation était essentielle pour permettre à l’acteur de contrôler pleinement ses facultés physiques et intellectuelles. Il affirmait que « la tension musculaire entrave l’expérience émotionnelle intérieure », car elle pouvait bloquer la voix, rigidifier le corps et limiter la créativité.

Cependant, son idée selon laquelle un acteur devait être totalement détendu pour bien jouer peut sembler discutable. En effet, dans certaines disciplines comme la danse classique, l’apparente fluidité des mouvements repose sur un équilibre entre relâchement et tension musculaire. Une ballerine, par exemple, ne peut atteindre la grâce de son art sans engager certains muscles tout en relâchant d’autres.

Ainsi, l’acteur ne doit pas chercher une relaxation absolue, mais plutôt une disponibilité corporelle, où les tensions inutiles sont éliminées tandis qu’une tonicité maîtrisée soutient l’action scénique. C’est dans cet équilibre subtil que réside l’efficacité du jeu.

 

10. La communion : un lien essentiel entre acteurs et spectateurs

Pour Stanislavski, la communion était la clé d’une communication efficace avec le public, non pas de manière directe, mais à travers une connexion authentique entre les acteurs sur scène. Une communion continue entre eux captait naturellement l’attention des spectateurs.

Il distinguait deux types de communion : celle avec un partenaire réel et celle avec un être imaginaire. Lorsqu’il jouait avec un partenaire réel, l’acteur devait être pleinement conscient de sa présence, percevoir et transmettre des images avec énergie à travers la parole et l’action. L’objectif était d’obtenir une réaction physique tangible chez l’autre acteur, comme un rire ou un geste, renforçant ainsi la connexion scénique.

Avec un partenaire imaginaire, il ne s’agissait pas de se convaincre de sa présence, mais plutôt de se poser la question « Et si… il était réellement là ? ». Cette approche stimulait l’imagination et nourrissait le jeu.

Stanislavski introduisait également une notion empruntée au Yoga : le Prana, une énergie vitale située dans le plexus solaire. Selon lui, cette énergie pouvait entrer en communion avec le cerveau, créant ainsi un dialogue intérieur lors d’un monologue et maintenant un lien vivant avec le public.

Enfin, il insistait sur l’importance du corps comme outil de communication. À travers une expérience, il montra qu’aucune partie du corps ne pouvait être négligée pour exprimer pleinement une intention. Ainsi, une formation physique rigoureuse était indispensable pour permettre à l’acteur d’établir une communion fluide et efficace sur scène.

 

11. L’adaptation : un processus essentiel pour l'acteur

L’adaptation, selon Stanislavski, était un élément clé du jeu de l’acteur, nécessitant une réponse précise aux questions « Quoi ? » (l’action), « Pourquoi ? » (le but) et « Comment ? » (l’adaptation). Si l’analyse du texte permettait de clarifier l’action et le but, l’adaptation se construisait dans l’instant, en fonction des interactions entre les acteurs et des ajustements à opérer en conséquence.

L’adaptation pouvait également être vue comme un moyen de surmonter les obstacles physiques qui surgissent sur scène. Chaque ajustement devenait alors une réponse dynamique permettant à l’acteur de poursuivre son objectif malgré ces contraintes.

L’adaptation était intimement liée à la communion : un acteur devait être pleinement attentif à ses partenaires pour ajuster son jeu en temps réel. Elle permettait aussi de transmettre des messages invisibles, autrement dit le sous-texte, que les mots ne suffisaient pas toujours à exprimer.

Stanislavski soulignait que la puissance du jeu ne résidait pas seulement dans l’intensité émotionnelle, mais aussi dans la capacité à adapter son interprétation. Un acteur capable d’ajustements subtils pouvait ainsi donner une performance plus percutante qu’un acteur ressentant des émotions profondes mais incapable de les exprimer efficacement.

 

12. Tempo-Rythme : Une passerelle entre l'intérieur et l'extérieur 

Le tempo-rythme constitue un lien essentiel entre l’expérience intérieure de l’acteur et son expression physique . Pour Stanislavski, il existait un tempo-rythme interne et externe.

  • Le tempo désignait la vitesse d’une action ou d’une émotion (rapide, moyen ou lent).
  • Le rythme, quant à lui, était lié à l’intensité de l’expérience émotionnelle à l’intérieur de l’acteur, et, extérieurement, à la structure de ses gestes, mouvements et actions.

Stanislavski considérait le tempo-rythme comme un élément essentiel pour exécuter des actions physiques de manière concrète et authentique. Il déplorait notamment son absence chez de nombreux chanteurs d’opéra, frustré par le manque d’harmonie entre leur chant, leur démarche, leurs gestes et leurs émotions.

Dès 1918, il soulignait l’importance du tempo-rythme pour donner de la richesse physique et émotionnelle à un personnage. Il comparait ce concept à la musique : tout comme une partition comprend des variations de tempo (legato, staccato, andante, allegro), le jeu de l’acteur devait s’articuler en un flux organique et vivant. Cela ne servait pas seulement à structurer l’action, mais aussi à stimuler les émotions de l’acteur et à donner du relief à son interprétation.

 

13. Le corps et la voix : instruments de l'acteur

La qualité du jeu d’un acteur ne dépendait pas seulement de la création d’une vie intérieure authentique, mais aussi de son incarnation physique . Pour Stanislavski, le corps et la voix étaient les outils fondamentaux permettant d’exprimer chaque nuance et subtilité d’un personnage.

Il considérait le corps et la voix comme des instruments nécessitant un entraînement rigoureux pour donner forme et vérité à l’action.

Stanislavski était particulièrement intransigeant envers les acteurs ayant une diction imprécise, estimant qu’ils manquaient de respect envers le public, qui se lassait d’un discours incompréhensible. Il insistait sur un travail vocal exigeant, comparable à celui des chanteurs, en mettant l’accent sur l’utilisation des résonateurs situés dans la « masque » du visage.

Le corps, quant à lui, devait être souple et maîtrisé. Il fallait corriger la posture, éviter la rigidité et bannir les gestes mécaniques ou les tics. Un geste ne devait jamais être artificiel, mais le reflet fidèle d’une expérience intérieure.

Ainsi, pour Stanislavski, la technique physique ne servait pas uniquement à structurer le jeu, mais aussi à affiner le sens de la vérité et de la forme chez l’acteur.

 

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