Programme Première spécialité théâtre
Préambule spécifique à l’enseignement de spécialité théâtre du cycle terminal
L’enseignement de spécialité en classes de première et terminale s’inscrit dans la continuité de celui dispensé enseconde. Il l’approfondit et l’enrichit dans chacune de ses trois dimensions : la pratique du jeu et de la scène, la pratique de spectateur ou de spectatrice, l’acquisition d’une culture théâtrale ; il articule ces trois dimensions à l’occasion des spectacles vus comme de la pratique de plateau. Les élèves sont progressivement capables de tisser eux- mêmes des liens entre leurs différentes relations au théâtre, sous la conduite conjointe du professeur et de l’artiste. C’est en faisant tout au long de l’année, autour des mêmes questions ou thèmes, des va-et-vient entre approche artistique et approche théorique, entre recherche au plateau et approfondissement réflexif, entre engagement personnel dans le jeu et objectivité des savoirs, que l’élève acquiert une pleine formation au théâtre.
S’il maintient donc l’expérience et la pratique personnelle de l’élève (sur le plateau et en tant que spectateur ou spectatrice) au cœur de l’enseignement, le cycle de spécialité vise également l’acquisition par l’élève, à partir de celles-ci, d’un ensemble cohérent de savoirs sur le théâtre.
Comme en seconde, ces savoirs peuvent être introduits à l’occasion de représentations vues ou du travail de plateau: il importe donc que le choix des spectacles donne matière, autant que possible, à un élargissement constant des connaissances ; et que le programme de pratique soit conçu de façon à enrichir la culture de l’élève.
Réciproquement, l’acquisition de savoirs théoriques peut susciter une expérimentation scénique : par exemple,certaines connaissances historiques (liées au répertoire, aux formes de jeu, à l’espace, etc.) ou théoriques (écrits sur l’acteur, sur la mise en scène…) peuvent appeler la mise à l’épreuve par le plateau, ou venir se confronter aux spectacles.
Ainsi l’imagination, la sensibilité de l’élève, son goût du jeu, ses qualités artistiques, se développent-elles en étroite relation avec l’acquisition de la culture théâtrale.
L’association d’un professeur aux compétences reconnues en théâtre et d’artistes professionnels, pleinement engagés dans la création – partenariat statutaire en ce qui concerne l’enseignement de spécialité – revêt une importance particulière pour atteindre ces objectifs. Leur double regard est essentiel pour que le travail de plateau soit à la fois une expérience artistique et une occasion de penser le théâtre, et pour enrichir constamment et concrètement la relation entre théorie et pratique.
L’enseignement de spécialité rend l’élève attentif au théâtre comme art, mais aussi au théâtre comme fait social, au sens large. Si cet enseignement forge et approfondit son jugement esthétique, notamment par la pratique collective de l’analyse en classe, fondée sur le partage des expériences sensibles, il lui fait également prendre conscience que toute représentation est liée à une société donnée, que les formes de jeux sont indissociables de contextes culturels et de lieux concrets qui les expriment, que le théâtre est un art vivant dont les réalisations éphémères prennent sens pour un public présent.
Ainsi, cet enseignement introduit, à côté de l’étude dramaturgique ou sémiologique de la représentation, une approche plus performative de l’acte théâtral : comprendre que la fonction culturelle, sociale, politique ou anthropologique du théâtre est variable permet à la fois d’accéder à de nombreuses problématiques du théâtre contemporain, et de mieux analyser des formes du passé. Une telle approche permet aussi de mettre en perspective le théâtre occidental avec d’autres traditions de spectacle.
Ouvert à des savoirs liés à d’autres disciplines (littérature, musique, cinéma, arts plastiques, mais aussi histoire, sciences sociales, philosophie, économie, sciences et techniques…), l’enseignement de spécialité en théâtre peut susciter, notamment au niveau de la terminale, des projets interdisciplinaires riches et variés.
Programme - Enjeux et objectifs
Approfondir la relation artistique et esthétique au théâtre
Largement fondé sur la pratique de jeu et de spectateur, et donc sur l’expérience sensible des élèves, l’enseignement de spécialité de première vise d’abord à développer et à approfondir leur relation artistique et esthétique au théâtre, dans une autonomie croissante. L’analyse de la représentation et de ses différentes composantes, la réflexion sur les processus de création et sur la réception, la mise en perspective historique, l’intérêt porté aux relations entre le théâtre et les autres arts, en d’autres termes l’ensemble de la culture théâtrale dispensée par l’enseignement de spécialité contribue à la formation progressive du point de vue esthétique des élèves (c’est-à-dire à leur capacité de percevoir et d’analyser ce qu’ils reçoivent de la scène) et nourrit leur démarche artistique.
Regarder le théâtre comme une pratique sociale : le fait théâtral.
Grâce à l’enseignement théorique et aux connaissances qu’il apporte, les élèves apprennent à reconnaître le théâtre, sous les multiples formes qui sont et ont été les siennes, comme une pratique sociale au sens large – ce qu’on peut appeler le fait théâtral. Ils réfléchissent notamment aux modalités de son inscription dans une société donnée, à sa fonction variable selon les époques et les situations, à la relation qu’il propose à un public diversement composé selon les contextes et les périodes historiques. Cette compréhension enrichit leur rapport à l’histoire du théâtre, histoire culturelle autant qu’histoire des formes. Elle leur permet également d’interroger certains aspects de leur expérience de spectateur.
Représentation et performance.
Pour permettre cette double saisie (art du théâtre et fait théâtral), la notion de performance, au sens large, peut être mobilisée utilement en même temps que celle de représentation. L’approche performative sensibilise les élèves à la spécificité d’un art dont la dimension esthétique est indissociable de la relation qu’il crée, en un temps et un lieu donné, avec les spectateurs, avec la cité, avec la société. Cette approche les ouvre également à l’acte théâtral dans sa dimension anthropologique : au cours de son histoire, le théâtre s’est très souvent inscrit dans les cadres d’événements rituels, religieux, festifs, carnavalesques, commémoratifs, civiques, etc. – tous liés à un contexte et une performance sociale. Regarder la représentation dans sa réalité performative permet aussi de mieux comprendre des traditions de spectacle qui ne se limitent pas au monde occidental. Enfin, la notion de performance éclaire une part importante de la création contemporaine, qui fait de la relation théâtrale et du présent de la représentation un de ses principaux enjeux.
Diversifier le parcours du spectateur.
Le parcours du spectateur se construit à travers neuf spectacles au minimum durant l’année ; le choix de ces spectacles, le plus divers possible, cherche à élargir l’expérience sensible des élèves. Faire varier les lieux et conditions de la représentation ; proposer des spectacles différents par leur rapport au texte, à la fiction, à la construction du sens, à l’image, à l’émotion du spectateur ; faire découvrir des processus de création et d’écriture divers, des usages variés de la technique, des formes hybrides contemporaines à côté de mises en scène de textes du répertoire : tous ces choix contribuent non seulement à construire la culture de spectateur des élèves mais aussi à stimuler leur pensée théâtrale et leur imagination artistique.
Penser ensemble l’expérience de plateau.
Parce que l’option de spécialité vise à développer les compétences esthétiques et pratiques des élèves, à enrichir en permanence le lien entre sensibilité et réflexion, à encourager leur créativité artistique, l’équipe artistique etpédagogique accompagne le travail de plateau dans la recherche affirmée d’une démarche artistique lisible et pensée.
Deux projets au moins sont menés dans l’année, portant sur des matériaux différents du point de vue de l’époque, des formes d’écritures, des registres. L’équipe partenariale s’attache à faire expérimenter aux élèves des modalités de jeu diverses, à explorer avec eux le rapport à l’espace et au public dans des directions multiples, à questionner collectivement le sens et la construction globale de la proposition théâtrale au fur et à mesure des répétitions : les élèves peuvent ainsi être associés à la dramaturgie et aux choix finaux opérés pour la présentation de travail.
Repères pour l’enseignement
Il s’agit donc, par la pratique théâtrale, la pratique de spectateur, et par l’enseignement théorique :
- d’initier les élèves à la longue histoire du théâtre occidental et au rôle qu’y joue la dramaturgie (au sens d’écriture dramatique) jusqu’à aujourd’hui – tout en les rendant conscients que le texte prononcé sur scène a varié et varie par sa nature, par sa place dans la représentation, par ses auteurs (l’écrivain, le metteur enscène, l’acteur, le collectif), par les codes théâtraux qu’il suppose, par la langue, par l’usage qui en est fait, etc. ;
- de les ouvrir à l’analyse de tous les éléments non textuels de la représentation et à leur interaction : scénographie, lumière, son, vidéo, etc. et de les amener à une réflexion sur la dramaturgie (au sens de construction de la représentation) des spectacles ;
- de les rendre attentifs à la singularité et à la spécificité de cet art « au présent » et à sa dimension performative : le théâtre produit des événements partagés collectivement, des œuvres éphémères, dont on analyse les archives et qu’on reconstitue par la mémoire ;
- de leur faire prendre conscience que la dimension esthétique du théâtre est toujours intriquée avec sa dimension sociale (relation au public, à la cité, à la société) et anthropologique (sens de l’événement théâtral) ;
- de les rendre capables de lire des pièces, des textes théoriques, et des écrits de praticiens en relation avec leur expérience sensible du théâtre.
Le principe de l’enseignement de spécialité théâtre étant de toujours mettre en relation les connaissances et lapratique, la culture théâtrale se déploie à partir d’un corpus constitué par le professeur en étroite relation avec certains des spectacles vus et avec les projets menés sur le plateau en partenariat avec l’artiste. Ce corpus comportera au moins deux objets d'étude, choisis parmi les propositions ci-dessous :
- Le théâtre antique : la tragédie antique et le théâtre romain, approchés dans leur réalité anthropologique et culturelle, aussi bien qu’à travers les enjeux esthétiques fondateurs qu’ils ont légués au théâtre occidental ;
- Le théâtre au Moyen Âge : le théâtre et la fête, le théâtre et la ville, formes populaires et formes savantes ;
- Le théâtre occidental aux XVIIe et XVIIIe siècles : théâtre baroque (français, élisabéthain, Siècle d’or espagnol), théâtre classique ; tragédie, comédie, drame bourgeois ;
- Le théâtre au XIXe siècle : le mélodrame, le spectaculaire, le drame romantique, le vaudeville ; le boulevard ;
- Le théâtre moderne : la crise du drame (Ibsen, Tchekhov, etc.) et l’apparition du metteur en scène ;
- Le théâtre brechtien et post-brechtien : Brecht et ses précurseurs ; théâtre politique et théâtre populaire au cours du XXe siècle ; le théâtre post-brechtien (et anti-brechtien) jusqu’aux années 1980 ;
- Le théâtre contemporain : dramaturgies contemporaines, écritures de plateau, théâtre documentaire, formes hybrides…
Chacune de ces périodes peut être l’occasion de mettre l’esthétique théâtrale en relation avec une histoire culturelle et des enjeux sociaux, au sens le plus large.
L’archive vidéo accessible en ligne sur des sites institutionnels constitue une ressource importante pour l’étude du théâtre, notamment en ce qui concerne les œuvres du répertoire ou certains spectacles majeurs. Comme toute archive, cette ressource est utilisée de façon réfléchie et problématisée : il est essentiel de faire comprendre aux élèves qu’une captation documente le théâtre, mais n’est pas le théâtre, y compris quand elle semble permettre une analyse plus aisée. Ainsi introduite et contextualisée, l’archive vidéo peut aussi initier une réflexion sur la trace, la mémoire, la façon dont l’événement théâtral peut être documenté, aussi bien pour le passé récent que pour les périodes les plus anciennes – réflexion qui fait pleinement partie de la formation théâtrale.
Compétences
Au terme de la classe de première, l'élève a acquis des compétences liées à la pratique théâtrale ainsi que des compétences d’ordre culturel et méthodologique. En réalité imbriquées, ces compétences sont distribuées ci-dessous en catégories distinctes par souci de lisibilité et d'efficacité. Leur recensement peut aider l’élève à se situer et le professeur à élaborer des critères d'évaluation variés.
· Compétences pratiques
L’élève est capable :
- de s’engager avec rigueur dans un projet collectif, d’écouter ses partenaires, de se faire entendre et de s’impliquer sciemment et activement dans le projet collectif ;
- de participer, pour une ou plusieurs composantes d’un projet (jeu obligatoirement, mais aussi éventuellement scénographie, son, musique, lumière, vidéo…), à l’élaboration d’un objet-théâtre à présenter devant un public choisi ;
- de s’impliquer dans une situation de jeu nouvelle en mettant en œuvre une démarche de création adaptée ;
- d’analyser son travail de plateau, celui de ses partenaires de jeu à l’aune de ses connaissances théâtrales et de son expérience de spectateur.
· Compétences culturelles
L’élève est capable :
- de décrire les composantes d’un spectacle et leur fonctionnement, de repérer les enjeux d’une démarche théâtrale, en utilisant le vocabulaire spécifique du théâtre ;
- de réfléchir sur les processus de création et sur leur incidence sur le spectacle ;
- d’interroger la dramaturgie et les modes de composition du spectacle ;
- d’observer la représentation théâtrale comme un événement performatif, éphémère et unique, situé dans un temps et un lieu donnés et devant un public donné ;
- de mettre en œuvre ses connaissances globales sur le théâtre pour situer, décrire, analyser un texte (dramatique ou théorique) ou un document lié à une représentation image, captation, bande son…) ou un spectacle vu.
· Compétences méthodologiques
L’élève est capable :
- de formuler son expérience sensible d’un spectacle, de la partager en classe avec celle des autres, et de développer un point de vue personnel argumenté ;
- de proposer une analyse orale ou/et écrite du travail de plateau et des spectacles vus ;
- de lire un texte de théâtre en relation avec des questions de représentations ;
- d’analyser en tant que telle une archive liée à un
Évaluation
· La pratique
La validation d’un enseignement de théâtre spécialité se fonde sur la pratique régulière de l’élève, qui prend note de ses progrès au plateau, du résultat en fin de projet mais aussi des prises de risques même lorsqu’elles se soldent par des « ratages » inhérents à un processus de création. L’investissement au service du projet collectif, c’est-à-dire l’écoute des partenaires, les propositions faites, les retours sur le travail des uns et des autres, est aussi à prendre en compte.
· Le carnet de bord
L’enseignement de théâtre en première demande aussi l’évaluation des avancées de la réflexion de l’élève sur la « séance théâtrale », ses questionnements et ses problématiques.
Le carnet de bord, dans lequel l’élève reporte et analyse la mise en œuvre du projet, des indications de jeu, des synthèses sur le travail en cours et diverses remarques personnelles, devient l’outil privilégié de l’évaluation. Il constitue la mémoire du travail pris en charge par l’élève, mais construit aussi le regard qu’il porte sur le travail du groupe. Par ailleurs, l’élève peut y consigner ce qui concerne son expérience des spectacles vus tout au long del’année, les traces des recherches qu’il effectue en lien avec son travail à tous les niveaux (lexique spécifique, repères historiques et notionnels, documents iconographiques, analyse de spectacles vus, de temps de travail pratique, de textes lus de manière cursive, références des sites internet consultés).
La réflexion artistique pouvant prendre des formes diverses, de l’intuition fulgurante à une réflexion élaborée, le carnet de bord peut accueillir des croquis de scénographie ou de costumes, des monologues intérieurs ou des monologues-paysage d’un personnage, des textes narratifs, descriptifs ou poétiques, notes elliptiques, etc.
Ce carnet constitue un support concret pour l’évaluation du travail, conduite par lui comme par le professeur et l’artiste partenaire, de son parcours de praticien créateur et investi, de praticien réflexif, de spectateur averti, d’élève impliqué et soucieux de consolider ses savoirs et ses savoir-faire.
Le professeur guide l’élève dans la tenue de son carnet de bord en lui donnant des consignes précises et variées. En tenant compte des réussites de l’élève, qu’il l’aide à repérer, il lui propose d’étayer les compétences encore non acquises par des consignes précises. La part créative ou visuelle (photos, croquis, etc.) peut être présente, si elle correspond davantage à la tournure d’esprit de l’élève. La forme de ce carnet est choisie par l’élève (papier, numérique) en accord avec le professeur.
· L’acquisition d’une culture théâtrale
Par ailleurs, il est aussi attendu que l’élève soit en mesure de mettre ses connaissances culturelles au service d’une réflexion et d’une analyse sur l’histoire du théâtre. Ainsi, le professeur lui propose de façon régulière de mener des lectures sur des textes patrimoniaux et contemporains, dramatiques, informatifs et théoriques, qui donnent lieu à des évaluations pouvant adopter des formes diverses : exposé, élaboration de documents de synthèse à destination de la classe, devoir sur table visant à la restitution de connaissances ou à l’analyse de documents textuels, iconographiques, audiovisuels connus ou nouveaux.
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