Eschyle

(525-456 av. J.-C.)

"Eschyle est le père de la tragédie, celui qui a osé faire un pas vers l'avenir en intégrant le chœur et en introduisant le second acteur. Il a créé un théâtre où le conflit, l'opposition entre les dieux et les hommes, devient la force motrice."

Friedrich Nietzsche sur Eschyle, dans "La Naissance de la Tragédie"

Eschyle - le précurseur

Le théâtre d’Eschyle a tant de grandeur qu’il fascine et intimide. Ces mérites correspondent aussi à la place qu’occupe Eschyle dans l’histoire littéraire : Eschyle, en tout, marque un début. Il ouvre un genre. Il ouvre aussi une époque. Son oeuvre se place au début de ce Ve siècle avant J.-C. qui fut l’âge du rayonnement athénien. Il combattit à Marathon, à Salamine, luttant dans cette guerre médique qui devait sauver sa patrie, puis valoir à celle-ci l’hégémonie, la gloire, bientôt l’empire. Il est de l’âge qui fonde et qui instaure, et son oeuvre respire cette ardeur intérieure.

Contexte historique

Il n’a pas participé au grand renouveau intellectuel que devait connaître le Ve siècle. Il est, avant les autres, un Ancien. Il a trente ans de plus que Périclès, et si Périclès fut, dit-on, le jeune chorège qui se chargea de faire représenter Les Perses d’Eschyle, en 472, il venait tout juste de prendre le pouvoir quand Eschyle mourut en Sicile : Eschyle n’a rien connu de la grandeur de Périclès.

"La tragédie d’Eschyle est l’histoire de l’homme face à un destin impitoyable, un destin qui le détermine et auquel il doit faire face sans espoir de solution."

Jean-Paul Sartre ,"Les Mots"

Eschyle- poète sublime du passé

Il a trente ans de plus que Sophocle, quarante-cinq ans de plus qu’Euripide, cinquante-cinq ans de plus que Socrate. C’est bien pourquoi il diffère tant de ces derniers, pourquoi son oeuvre rend un son autre. Il a connu la lutte héroïque contre le barbare : ils ont, eux, au contraire, connu les difficultés de la souveraineté sur les Grecs. Il a été formé à la pensée pieuse et morale des sages : ils ont, eux, au contraire, été élèves des sophistes, ils ont connu leurs hardiesses, leurs habiletés, leur intellectualisme. Rien d’étonnant, donc, à ce que, dès la fin du Ve siècle, les Grecs d’alors aient vu en Eschyle le grand poète du passé, sublime, mais déjà archaïque, héroïque, mais déjà loin d’eux. Il vit en présence des dieux. Tout, chez lui, revêt une valeur symbolique et sacrée ce qui confère à tous les thèmes qu’il aborde une force exceptionnelle.
C’est ce dont portent témoignage les sept tragédies qui nous restent de lui .

Parmi ses pièces majeures, on trouve "Les Perses", "Les Sept contre Thèbes", et la trilogie de "L'Orestie".

"Eschyle est celui qui a donné naissance à la grande tragédie, en introduisant le dialogue entre les personnages, ce qui a permis de mettre en lumière l'affrontement dramatique entre la destinée et la volonté humaine."

Aristote dans "La Poétique"

Le théâtre d’Eschyle aborde les sujets les plus graves de l’existence humaine : le meurtre dans les familles et la guerre entre les cités. Ses tragédies parlent de souffrance, mais aussi de liberté et d’ordre, avec une forte dimension civique.

Dans ce monde, tout est gouverné par les dieux, qui sont les arbitres suprêmes. De nombreuses divinités interviennent dans ses pièces, comme Athéna, Apollon ou les Érinyes, et parfois même des Titans, comme dans la tragédie Prométhée enchaîné.

Pour Eschyle, les dieux incarnent la justice. Ils ne punissent pas seulement ceux qui cherchent à se grandir démesurément, mais aussi ceux qui commettent des fautes. Cependant, leur justice peut sembler cruelle. Lorsqu’ils veulent perdre un mortel, ils l’égarent et le poussent à la faute qui causera sa perte. Leur colère ne s’arrête pas là : elle touche aussi les descendants du coupable, sur plusieurs générations, à cause de la faute originelle. Ainsi, les hommes se sentent pris dans une chaîne de malheurs hérités du passé.

Malgré cette dureté, Eschyle montre que la justice divine est juste et vise à enseigner la sagesse aux hommes. Les épreuves servent de leçons pour apprendre à respecter l’ordre divin.

Enfin, dans le théâtre d’Eschyle, l’action reste simple et concentrée : une seule tragédie raconte généralement un seul événement majeur.


Voici une sélection de ses œuvres majeures :

  1. Les Perses (472 av. J.-C.)
    La plus ancienne tragédie grecque connue, qui traite de la défaite des Perses face aux Grecs lors des batailles de Salamine et de Platées. C'est l'une des rares tragédies à représenter un événement historique, plutôt qu'un mythe.

  2. Les Sept contre Thèbes (467 av. J.-C.)
    Cette pièce raconte l’histoire du siège de Thèbes par les sept généraux ennemis, et de la lutte de la ville pour se défendre. Elle met en scène les fils d'Œdipe, Étéocle et Polynice, et explore le thème du destin et de la guerre.

  3. L'Orestie (458 av. J.-C.)
    La seule trilogie d'Eschyle qui nous soit parvenue dans son intégralité, composée de trois pièces :

    • Agamemnon : raconte le retour d'Agamemnon à Mycènes après la guerre de Troie, et son assassinat par sa femme Clytemnestre.
    • Les Choéphores (Les Porteurs de Libation) : suit les enfants d'Agamemnon, Electre et Oreste, qui cherchent à venger la mort de leur père.
    • Les Euménides : montre Oreste poursuivi par les Furies après avoir tué sa mère, Clytemnestre, et cherche à obtenir la justice pour son crime.
  4. Les Suppliantes (c. 463 av. J.-C.)
    Cette tragédie raconte l'histoire des Danaïdes, les filles de Danaos, qui fuient leur mariage forcé avec leurs cousins, les fils d'Égyptus. La pièce traite de la violence, de l'exil et de la recherche de la protection divine.

  5. Les Prométhées enchaînés (c. 460 av. J.-C.)
    Bien que l'attribution de cette œuvre à Eschyle soit parfois contestée, elle est traditionnellement associée à lui. Cette tragédie raconte l'histoire de Prométhée, qui est puni par Zeus pour avoir donné le feu aux hommes. Le thème central est celui du sacrifice pour l'humanité.


Quelques  extraits :

"Agamemnon"

"La richesse est un orage qui aveugle l'esprit des hommes, les poussant à franchir les limites que les dieux ont fixées."

"Sept contre Thèbes"

"Les dieux s'acharnent toujours contre ceux qui bravent leurs lois."

"Prométhée enchainé"

"Je sais que ce que je fais me mène à ma perte, mais je ne céderai pas."

"Les Choéphores"

"Le sang versé appelle un autre sang, et la vengeance ne trouve jamais de fin."


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